Oeuvre de Vauban

(dessin du début du XVIIe siècle)

Aussi Louis XIV décida-t-il de faire édifier une ville neuve en face de Brisach sur une île au milieu du Rhin et qui devait porter le nom de Saint-Louis. Sa réalisation fut plus lente qu'on avait pensé. A l'occasion d'un voyage de la Reine à Brisach on éleva un certain nombre de façades et de toitures provisoires en paille, afin de dissimuler les inachèvements. De là vint le surnom de : Ville de paille, qui a seul passé à la postérité
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Profil d'une tour
(dessin de l'époque de la construction) |
Le traité de Ryswick qui déposséda la France de Brisach et de toute la rive droite du Rhin, mit également fin à la vie de ce faubourg de Brisach qui fut rasé et démoli. Le Conseil Souverain fut transféré à Colmar, seul sur la rive gauche le Fort Mortier, insignifiant ouvrage complètement isolé et dominé par la forteresse de Breisach resta aux mains des Français. Tourné vers l'Alsace ce fort était une menace. Il devint donc nécessaire de combler le vide ainsi créé entre Huningue et Strasbourg à l'endroit même où les Autrichiens recouvraient Brisach qui pouvait être pour eux la clef de l'Alsace et de la France.
Vauban, dont le génie prévoyant avait créé sur la frontière une ceinture de places fortes, remplaça le maillon de la chaîne ainsi brisée. Un édit de Louis XIV signé à Compiègne en septembre 1698 et enregistré le 9 octobre de la même année ordonna la construction de Neuf-Brisach. Les travaux furent commencés immédiatement. Le 16 octobre on posa la première pierre, en plein champ, face à Brisach au point de jonction des routes de Strasbourg à Bâle et de Colmar à Fribourg. Les terrains nécessaires furent achetés par le Roi aux communes de Wolfgantzen et de Volgelsheim. Les travaux coûtèrent 8 millions de francs et durèrent jusqu'en 1708.
Vauban fit de cette place le modèle des forteresses d'Europe et ce fut peut-être son chef-d'oeuvre. Il apporta les derniers perfectionnements à son système de défense en changeant surtout la forme des bastions qu'il augmenta de petites guérites en pierre de taille, ce qui fit donner à ce système le nom de fortification à tours bastionnées ou fortification dédoublée.
Le plan d'ensemble de la forteresse forme une étoile à huit branches. Les huit fronts sont tous de même dimension, ils sont alternativement percés de portes et de poternes. Les quatre portes principales étaient reliées aux ouvrages extérieurs par des ponts de pierre coupés de pont-levis. La Porte de Belfort était la seule qui avait un pont en bois qui fut enlevé par le Génie Militaire en 1820. La Porte de Colmar subsiste également. Les armoiries qui l'ornaient ont été enlevées après 1870.
Les portes de Bâle et de Strasbourg ont été démolies au début du 20ème siècle. Les projets primitifs prévoyaient en dehors de la ville un ouvrage à couronne, citadelle accolée à l'octogone entre les Portes de Colmar et de Belfort, qui ne fut jamais exécuté bien qu'il figure sur toutes les anciennes gravures. Les fossés étaient autrefois remplis d'eau, mais en 1732 on fut obligé de les remblayer sur une hauteur de 1 m 50 afin de les assécher. Faute d'eau courante ils étaient devenus marécageux et différentes épidémies avaient causé d'importants ravages dans la garnison ainsi que dans la population civile.
Les deux Brisach au XVIIIème siècle
Les premiers matériaux de construction de cette nouvelle place forte provinrent de la démolition de la "Ville de paille". On trouve effectivement dans les édifices, à côté du grès rouge du Hohnack et du grès jaune de Rouffach, le basalte provenant de Vieux-Brisach ou du Kaiserstuhl en Bade. Pour amener les matériaux de construction provenant des carrières de Rouffach ainsi que les chênes des forêts de cette commune et le sapin des Vosges, Vauban avait relié le nouveau Brisach à Rouffach par un canal. La chaux provenant de la même région fut aussi transportée sur place par cette voie.
A l'intérieur des remparts, la ville forme un octogone parfait formé par 48 rectangles tous pareils, de trente sur trente-trois toises, entourant la place d'Armes qui occupe à elle seule la surface de quatre de ces rectangles.
Les bâtiments les plus importants, l'Église, l'Hôtel du Gouverneur, l'Arsenal, la Maison des Officiers du Roi, celle des Lieutenants du Roi, la Mairie, une Casemate et des magasins bordaient la place d'Armes qui était autrefois garnie d'une triple rangée d'arbres et de cinq fontaines dont celle du centre a disparu. Sauf pour les quelques constructions importantes énumérées ci-dessus, chacun des rectangles fut loti en 10 terrains de construction et cette division se retrouve encore aujourd'hui presque partout sur le plan cadastral. Le projet initial avait prévu la construction uniforme de toutes les maisons, semblables jusque dans les moindres détails de réalisation.
Nous voyons dans cette conception la première apparition de la construction en grande série, telle qu'elle est préconisée de nos jours par les techniciens du bâtiment. Tous les encadrements des fenêtres en pierre de taille, toutes les menuiseries de ces ouvertures étaient strictement standardisées. Aujourd'hui on retrouve encore presque partout ces éléments malgré les transformations apportées au cours des siècles et les destructions causées par les guerres.